Deux nouveaux insectes identifiés au Kenya peuvent aider à lutter contre les ravageurs du maïs
Paul-André Calatayud, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Sevgan Subramanian, International Centre of Insect Physiology and Ecology
Les insectes ravageurs de cultures, tels que les lépidoptères foreurs de graminées et la chenille légionnaire d’automne, représentent un défi grandissant pour la production alimentaire mondiale.
La demande massive en produits agricoles a poussé les systèmes agricoles à se simplifier et, souvent, à se concentrer sur une seule espèce cultivée (on parle de monoculture). Lorsque les champs disposent d’une seule culture, les ravageurs n’ont aucune difficulté à la trouver. Cette rencontre est bien plus difficile lorsque la culture est mélangée à d’autres plantes dans un même champ. Ainsi, les pertes de récoltes sont beaucoup plus probables et fréquentes dans les cas de monoculture.
Le changement climatique, notamment la hausse des températures et la modification de la pluviométrie, associé à la réduction de l’habitat naturel due à l’agriculture, a également contribué à faire ressurgir les ravageurs de culture.
L’évolution rapide de la résistance des ravageurs aux pesticides chimiques, ainsi qu’une demande croissante d’agriculture biologique liée aux conséquences de plus en plus néfastes des pesticides chimiques sur la santé humaine et l’environnement, poussent les agriculteurs à trouver des solutions biologiques pour contrôler les insectes ravageurs de cultures.
Le principe de la lutte biologique ou biocontôle est d’utiliser des organismes vivants afin de réduire et limiter significativement les ravages causés par les insectes ravageurs. Ces organismes, appelés ennemis naturels ou antagonistes, peuvent être des prédateurs, des parasites ou des micro-organismes qui entraînent une maladie ou la mort des ravageurs.
Les insectes parasitoïdes constituent l’une des composantes majeures de ce biocontrôle. Ces insectes parasitent d’autres arthropodes, majoritairement des insectes, entraînant leur mort ou leur stérilité. Ils ciblent différents stades de développement de l’insecte : des œufs, des larves jusqu’aux chrysalides ou pupes. Ils reçoivent une attention croissante car ils sont efficaces, d’une utilisation peu coûteuse et permettent de gérer les ravageurs dans le respect de la santé humaine et de l’environnement.
Deux espèces de ces parasitoïdes ont été découvertes au Kenya, par nos collègues et nous-mêmes. Ces espèces s’avèrent prometteuses pour la lutte contre les deux grands ravageurs du maïs : Cotesia typhae pour la lutte contre le foreur des tiges, Sesamia nonagrioides, en France ; et Cotesia icipe pour lutter contre les chenilles légionnaires d’automne, Spodoptera frugiperda, en Afrique.
Sesamia nonagrioides est un insecte originaire d’Afrique qui a envahi l’Europe et le Moyen-Orient il y a environ 100 000 ans. Il est depuis devenu l’un des principaux ravageurs de maïs du pourtour méditerranéen en France mais son aire de répartition s’élargie actuellement vers le nord suite au réchauffement climatique.
La chenille légionnaire d’automne est une espèce invasive originaire des zones tropicales des Amériques, qui a envahi l’Afrique subsaharienne en 2016. Elle se propage désormais en Asie et en Australie et pourrait atteindre l’Europe rapidement. Les pays africains ont dû faire face à des ravages massifs des cultures de maïs et à des pertes estimées à des millions de dollars suite aux dégâts causés par ce ravageur et aux coûts associés à la pulvérisation de pesticides chimiques.
D’autres ennemis naturels peuvent parasiter ces ravageurs, mais ils ne sont pas toujours présents dans la nature. Comprendre la prévalence et l’efficacité de ces autres antagonistes est important. Nous nous devons de vérifier si les parasitoïdes que nous introduisons n’interfèrent pas avec des espèces non cibles ou avec d’autres ennemis naturels existants qui peuvent déjà parasiter les ravageurs. Nous souhaitons que, dans les prochaines années, la découverte de ces nouveaux parasitoïdes permette de mettre en place un contrôle efficace de ces importants ravageurs du maïs.
_ Cotesia typhae_
L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) a lancé des études avec l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (ICIPE) en Afrique de l’Est, afin d’évaluer la diversité, l’abondance et la distribution des lépidoptères foreurs de graminées ainsi que de leurs ennemis naturels, en particulier les parasitoïdes, dans leurs habitats naturels autour des champs cultivés.
Après 10 ans de recherche, une nouvelle espèce de parasitoïde a été découverte, Cotesia typhae. Cette espèce pond ses œufs à l’intérieur des larves du foreur des tiges, Sesamia nonagrioides, qui meurent suite au développement des progénitures du parasitoïde.
Il y a environ 100 000 ans, Sesamia nonagrioides est venu d’Afrique pour envahir les zones méditerranéennes, dont celle de France. Cet insecte est devenu un important ravageur du maïs, indemne de tout ennemi naturel car ceux-ci ne l’ont pas suivi de l’Afrique vers la France. Jusqu’ici, seule la lutte chimique a été mise en place pour réduire sa propagation et ses ravages. Mais cette stratégie a des conséquences néfastes sur la santé humaine et l’environnement. Les agriculteurs et professionnels demandent désormais un agent de biocontrôle efficace.
Après avoir décrit cette nouvelle espèce, la prochaine étape de notre étude consistera à développer une stratégie de lutte biologique contre Sesamia nonagrioides en utilisant Cotesia typhae. Nous devons tout d’abord nous assurer qu’il est efficace sur la population française de Sesamia nonagrioides et d’évaluer l’impact de l’introduction en France de ce nouveau parasitoïde Cotesia typhae sur d’autres espèces de chenilles foreurs de tiges non-cibles.
Cotesia icipe
Le deuxième parasitoïde, découvert par l’ICIPE, Cotesia icipe, s’avère être un ennemi naturel prometteur contre les chenilles légionnaires d’automne en Afrique.
La récente « invasion » de cette chenille légionnaire d’automne, Spodoptera frugiperda, limite grandement les rendements du maïs en infestant les champs tout au long des stades de croissance de la culture, du semis à l’épiaison. L’utilisation de pesticides chimiques semble être la seule méthode de lutte contre ce ravageur, mais ceux-ci peuvent être nocifs, en particulier pour l’environnement car ils peuvent affecter des insectes non ciblés, comme les abeilles.
Grâce à des études approfondies sur le terrain en Afrique de l’Est, plusieurs parasitoïdes indigènes capables de parasiter la chenille légionnaire à son stade larvaire ont été identifiés par l’ICIPE. C’est le cas d’une nouvelle espèce de parasitoïde baptisée Cotesia icipe. Elle a en effet réussi à parasiter 45 % des chenilles légionnaires d’automne.
La prochaine étape de cette étude se concentrera sur le développement de la lutte biologique contre la légionnaire d’automne en Afrique de l’Est à l’aide de Cotesia icipe et d’autres parasitoïdes.
Toutes ces recherches visent à proposer une solution alternative à la lutte chimique contre ces deux ravageurs majeurs du maïs en France et en Afrique. Elles fournissent de bonnes solutions de biocontrôle, respectant les réglementations de sécurité environnementale, tout en étant efficaces et peu coûteuses.
Nous préparons actuellement des études de faisabilité sur l’introduction de ces parasitoïdes dans leurs nouveaux environnements, destinées aux décideurs politiques.
Paul-André Calatayud, Senior research scientist, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Sevgan Subramanian, Prinicipal Scientist and Insect Pathologist, International Centre of Insect Physiology and Ecology
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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