Sites historiques, monuments et musées dans le centre-ville de Dakar
Par Ndèye Katy Dieng
Dakar est une petite ville située à l’extrémité ouest du continent africain, bordée aux trois quarts par l’océan Atlantique. La métropole se veut de plus en plus un musée à ciel ouvert, concentré d’un nombre impressionnant de monuments, musées et sites historiques. La plupart des monuments et musées présente une situation exceptionnelle, bénéficiant du voisinage de la mer qui entoure la presqu’île. Ville portuaire, sa petite superficie (0,28% du territoire national) en fait une ville facile et agréable à visiter. L’Atlantique est omniprésent, partie intégrante du paysage. On le voit partout en arrière-plan du décor, on en ressent la douce brise, on en perçoit la discrète musique.
Ainsi Dakar, membre de l’Organisation des villes du patrimoine mondial, a vu fleurir en quelques années nombre de monuments et musées qui s’ajoutent aux vestiges architecturaux datant de l’époque coloniale. C’est ainsi que le voisinage de la gare ferroviaire, construite en 1885 sous Faidherbe, s’est s’enrichi de nouveaux édifices à l’instar du Grand Théâtre ou du musée des civilisations noires. On y trouve également le monument aux morts Dupont et Demba datant de 1923. Ce dernier, anciennement situé sur la place de l’Assemblée nationale, avait été démonté et transféré au cimetière de Bel-Air après les indépendances puis réinstallé en 2004 sur la place de la gare rebaptisée Place du Tirailleur. Ce monument célèbre le Poilu français et le Tirailleur Sénégalais, debout côte à côte, égaux, regardant dans la même direction. La gare, vestige colonial abritant l’ancienne ligne Saint Louis – Dakar a échappé à la démolition et bénéficie actuellement d’un plan de réhabilitation.
A quelques kilomètres de la gare, sur le boulevard de la République, le musée des forces armées permet, à travers ses collections, de revisiter l’histoire des armées traditionnelles et modernes sénégalaises et de découvrir des expositions sur les tirailleurs sénégalais.
Non loin, rue Emile Zola, face à la place Soweto, à quelques mètres de l’Assemblée nationale et de la Cathédrale de Dakar, se dressent l’un derrière l’autre les deux édifices du musée d’art africain Théodore Monod de l’IFAN (Institut Fondamental d’Afrique Noire), dans un style combinant l’architecture néo-soudanien et colonial. Le premier bâtiment date de 1931. Chargé d’histoire, il abrita entre autres le siège de l’AOF. Le musée possède près de 10.000 pièces d’art provenant d’une vingtaine de pays d’Afrique. Le tiers des pièces est exposée en permanence au premier étage du musée tandis que le deuxième étage est consacré aux collections temporaires. Le deuxième bâtiment est dédié aux arts visuels.
Aussi, depuis les années 2000, Dakar est devenue la ville de la démesure. Certaines des « Sept Merveilles » projetées à cette époque apportent à la ville une aura nouvelle et participent au développement de l’attractivité touristique. Le Grand théâtre, le plus grand de l’Afrique de l’ouest, baptisé en 2011, en est une parfaite illustration. Pouvant accueillir 1800 places et disposant de 206 pièces destinées aux artistes, il partage une esplanade avec le musée des civilisations noires. D’une superficie de 13.785 m2, le plus grand des musées consacrés aux civilisations noires se réclame fils du premier Festival des arts nègres organisé par le Sénégal en 1966. L’événement fut le plus grand jamais organisé en l’honneur de la négritude. Décrite par Césaire comme la revendication de l’identité noire et sa culture, la négritude selon Senghor incarne « l’ensemble des valeurs politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d’Afrique et des minorités noires d’Amérique, d’Asie, d’Europe et d’Océanie. »
En descendant vers la pointe sud de la Presqu’île, au cap Manuel, l’ancien Palais de justice, inauguré en 1958, réhabilité, alloué au ministère de la culture en 2017, accueille la biennale Dak’art depuis 2016.
Sur la corniche ouest, à Fann, se dissimule la maison de Léopold Sédar Senghor construite en 1978 dans le style néo-soudanien. Bâtie sur un terrain de 8000m2 abritant de grands arbres et une piscine, elle a été transformée en musée en 2014 et ouverte au public. Cette magnifique bâtisse que le poète surnommait « les dents de la mer », témoigne du quotidien de la famille Senghor. Sur le bureau de l’ancien Président, des écrits de tout genre, des photos du fils disparu tragiquement à l’âge de 23 ans et dont la chambre à l’étage ainsi que les couloirs foisonnent de souvenirs. L’architecture rappelle celle de Djenné. Des petites bibliothèques, tapisserie et sculptures africaines ornent le rez-de-chaussée.
Toujours sur la Corniche ouest, à l’angle de la rue Aimé Césaire, la place du souvenir africain dédiée aux grands hommes, martyrs, héros et grandes figures d’Afrique et de la diaspora d’hier et d’aujourd’hui. Une longue allée mène à un monument épousant les formes de la carte de l’Afrique dont la mer bleue et paisible constitue le décor de fond.
Depuis 2014, une des coupoles de la place du souvenir abrite le musée de la femme Henriette Bathily fondé en 1987. Opérationnel depuis 1994, ce musée, anciennement situé en face de la Maison des esclaves de Gorée, rend hommage aux femmes sénégalaises, héroïnes extraordinaires et héroïnes de l’ordinaire.
Sur la corniche ouest se trouve également la Porte du Troisième Millénaire, sur une esplanade de 15.000m2 donnant sur l’océan. Inaugurée en 2001, elle symbolise, comme l’indique le titre, l’entrée de l’Afrique dans le Troisième millénaire. Elle se compose de trois portes de taille croissante, emboitées les unes dans les autres. Une femme à la flûte surnommée «Yaye Boye » est assise sur la porte intermédiaire.
Passage désormais incontournable lorsque l’on visite Dakar, le célèbre monument de la Renaissance africaine n’échappe pas à la longue liste des œuvres imposantes mais non moins majestueuses dont Dakar s’est parée. Construite sur l’une des deux collines volcaniques des Mamelles, la statue de 52 mètres en bronze et cuivre, une des « Sept merveilles », représente un homme d’une force herculéenne qui, de ses bras vigoureux, enveloppe sa femme par la taille et brandit leur enfant vers le ciel. Ils se tiennent sur un rocher olympien. 198 marches magistrales mènent à la statue qui domine le phare des Mamelles auquel il a ravi le rang de point culminant. Visible à des kilomètres à la ronde, telle la Tour Eiffel, son esplanade offre un panorama impressionnant sur la presqu’île et l’océan. A l’intérieur du monument, selon le tarif, les visiteurs accèdent aux collections permanentes et temporaires sur trois étages ainsi qu’à la bulle vitrée du quinzième et dernier étage.
De même, la richesse du patrimoine architectural se voit à travers les bâtiments de l’institution coloniale, les mosquées (Grande Mosquée de Dakar, mosquée omarienne, mosquée de la Divinité), les soixante villas répertoriées entre autres sur les avenues Nelson Mandela, Brière de l’Isle, Léopold Sédar Senghor, Lamine Guèye, Roosevelt, Pasteur, Jambaar, Carde, etc. le boulevard de la République et quelques rues comme Kléber, Calmette, etc.
Au large de Dakar, la maison des esclaves de la mythique île de Gorée, rempart de la mémoire, veille sur l’immortalité des esclaves déportés.
En résumé, l’entrée de Dakar dans le troisième millénaire s’est ainsi faite sous le sceau de la culture. L’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française, carrefour de l’Afrique et de l’Occident, revendique son identité africaine à travers ses nouveaux monuments dédiés au continent, aux grandes figures de la négritude et du panafricanisme, aux martyrs noirs, aux civilisations noires. Loin de nier son passé, Dakar investit dans la sauvegarde du patrimoine historique tout en affirmant fièrement sa négrité et l’apport conséquent de l’homme noir à l’humanité.
Ndèye Katy Dieng
Cet article a été initialement publié le 18/04/2018 dans Senenews
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